Anny Schneider est une herboriste québécoise d'origine alsacienne, qui s'est forgée une certaine réputation
dans son pays d'adoption. Elle est l'auteure de 4 livres à succès et revendique 30 ans d'expérience dans la pratique des plantes médicinales.
Elle a écrit ce poème sur l'ortie :
Paroles d’ortie
L’ortie, mon amie, m’a dit tout ceci :
« Que je vienne d’Europe ou d’Amérique,
Brûlante, dioïque, des bois, laportée, gracile ou urticante,
Que je chatouille à peine ou que je brûle franchement,
Dans mon essence, je suis presque toujours la même,
Bénéfique pour la plupart des animaux à sang chaud.
Plusieurs d’ailleurs, aiment me dévorer toute crue,
C’est pour ça qu’assez vite je me suis pourvue
De fines aiguilles gonflées d’histamine, d’acides formique et
gallique,
Pour survivre au passage, à l’appétit des herbivores les plus
stupides.
Les derniers arrivés dans l’évolution, et les plus finauds
Que sont les primates à deux pattes, parce qu’ils parlent eux, et se sont donné le
mot,
Car depuis des siècles, ils se sont transmis les secrets de mes
utilités.
Les plus intelligent (e) s, bien sûr, ont même appris à me
reproduire
Dans leurs espaces et dès le printemps,
Ils m’apprêtent comme il faut pour regéner leur sang
Avec mes plus tendres pousses vertes, celles des extrémités.
Un peu plus tard l’été, quand minéraux et cristaux saturent mes
canaux,
Ils savent me préparer en bouillon bien dosé, pour nettoyer leurs rognons
encombrés
Et surtout, à leurs mâles fatigués, restituer leur vigueur et virilité et les rendre
plus actifs.
Plus tard, mes fleurs et graines surtout, produisent de bons gras essentiels et une
farine nutritive,
Qui nourrissent les glandes autant que les cheveux, des hommes comme des
chevaux.
Les femmes avisées de jadis, savaient tisser des étoffes résistantes de mes fibres
cardées
Et Milarepa le sage du Tibet, pour qui j’étais parfois l’unique
aliment,
Brillait, grâce à moi, d’un beau hâle vert
phosphorescent.
Même Le grand Victor Hugo dans ses Misérables m’a célébré pour mes moult
utilités !
Moi l’ortie, une autre de ces plantes pensantes, plus précise parfois qu’un
ordi,
Je repère et cible précisément ce qui, d’urgence vraiment, doit être évacué
prestement.
Avec les reins et leurs chutes comme émonctoires privilégiés
Je rétablis aussi, quand c’est demandé, par ma sagesse moléculaire
intrinsèque,
Jusqu’aux principaux sièges régénérateurs des globules
rougeoyants,
Rate, foie et surrénales qu’on appelle aussi les mères du sang.
Justement, comme une maman bienveillante je suis, moi la bonne vieille
ortie,
Houspillant au passage la chair en surface, je fais ainsi dériver le
sang
Du foyer douloureux pour faire diversion salutaire,
Ramenant chaleur et force, là où il le faut,
En renforçant les rognons, la ceinture et ce qui la sous-tend
Et en restituant son feu au sang,
Je suscite ardeur et courage, et parfois même, je sers à agrandir une famille au bon
moment,
Sinon par mes effets alcalinisants, à purifier celui des ados et aînés
fatigués.
À vous qui contribuez à me protéger, à me reproduire et à me
célébrer,
Du fumier des ruminants à la vigilance du jardinier qui m’aura
amendé,
Si vous savez me cueillir, me préparer et me prendre
adéquatement,
Je saurais vous remercier, bien autrement que
superficiellement,
Finalement, en douceur, en force et en profondeur,
Par-delà mes aiguillons acérés, parole d’ortie, promis,
juré ! »
Anny Schneider,
Auteure et herboriste, Shefford, Québec
Canada