Quelques uns de nos plus beaux papillons sont indissociables de l'ortie, car leurs chenilles en dépendent étroitement.
Une centaine d'insectes sont plus ou moins liés à l'ortie, sans compter les gastéropodes et les arachnides. Parmi ces insectes, on trouve une trentaine de lépidoptères (papillons de jour et de nuit) dont une dizaine dépendent exclusivement de l'ortie pour leur survie.
Les principaux papillons de jour étroitement associés à l'ortie sont le vulcain (Vanessa atalanta ), le paon-de-jour (Inachis io ), la petite tortue (Aglais urticae ) et la carte géographique (Arashnia levana ). D'autres papillons fréquentent diverses plantes - dont l'ortie - comme la belle dame (Cynthia cardui ) et le Robert-le-diable ou gamma (Polygonia c-album ).
Le vulcain (Vanessa atalanta )
Vulcain avec sa chenille et sa chrysalide
C'est notre chouchou ! Voir l'article Rencontre magique avec un papillon
De taille moyenne avec 6 cm d'envergure, c'est un papillon migrateur présent dans toute l'Europe, l'Afrique du nord, l'Amérique du nord et une partie de l'Asie. Il est élégant avec ses ailes brun-foncé bordées de rouge, à l'extrémité antérieure noire tachetée de blanc et bleu (vues de dessus).
D'avril à septembre, il pond sur le dessus des feuilles d'ortie, un seul oeuf à la fois, que sa couleur verte rend peu visible des prédateurs.
La chenille s'enroule à l'intérieur d'une feuille d'ortie, la dévorant de l'intérieur avant d'en choisir une autre comme logement et ainsi de suite. La couleur de la chenille peut varier, ce qui la rend difficile à reconnaître, si ce n'est par cette habitude particulière que l'on vient d'évoquer.
Les papillons adultes apprécient les fruits mûrs et fermentés, jusqu'à en éprouver parfois de l'ivresse. Ils hivernent dans des lieux abrités où ils arrivent à survivre lorsque les conditions climatiques sont clémentes. Sous le climat français, on rencontre le vulcain principalement de fin mai à fin septembre.
Vulcain vu de dessus et l'envers de ses ailes
L'Amiral (Limentis arthemis) - qui est le cousin américain du Vulcain - a été choisi en 1998 comme emblème entomologique du Québec au terme d'un vote organisé par la société d'entomologie du Québec et réunissant 73000 votants.
Le paon-du-jour (Inachis io )
Paon-du-jour avec sa chenille et sa chrysalide
Autre papillon migrateur, le paon-de-jour se rencontre dans toute l'Europe, mis à part le nord de la Scandinavie. Ses ailes, de 5 à 6 cm d'envergure, sont pourvues d'ocelles, imitant les yeux d'un animal et visant à effrayer ses prédateurs. Le paon-de-jour présente deux générations par an comme le vulcain.
Ses chenilles noires et hérissées de pointes se rencontrent en groupes sur les feuilles d'ortie, de la mi-mai à la mi-juillet seulement.
Chenilles de paon-du-jour
La petite tortue (Aglais urticae )
Petite tortue avec sa chenille et sa chrysalide
C'est un joli papillon de 4,5 à 5 cm d'envergure. Il s'est un peu raréfié, mais on le rencontre encore souvent dans les jardins dès le début du printemps dans toute l'Europe et une partie de l'Asie.
Ses oeufs sont verts et pondus en paquets, mais contrairement à ceux du paon-du-jour, on les rencontre au revers des feuilles.
La carte géographique (Arashnia levana )
Carte géographique, forme printanière
Il s'agit d'un petit papillon de 3 à 4 cm d'envergure seulement, présent dans toute l'Europe centrale jusqu'au nord de l'Espagne. En France, on le rencontre principalement du sud-ouest à l'est en passant par le centre, mais il étend actuellement son aire géographique à l'ouest.
Il en existe deux générations par an, de couleurs très différentes pouvant faire croire à des papillons distincts.
Les oeufs, verts égalements, sont pondus en chapelet au revers des feuilles d'ortie, imitant les inflorescences de la plante.
La chenille se développe en groupe sur la grande ortie.
La belle dame (Cynthia cardui )
Belle dame avec sa chrysalide et sa chenille
C'est un papillon migrateur très répandu presque partout dans le monde. Il mesure environ 5 cm d'envergure.
La chenille se développe sur les orties, ainsi que sur les chardons et les feuilles de mauve.
Le Robert-le-diable ou gamma (Polygonia c-album )
Robert-le-diable
Petit papillon répandu dans toute l'Europe, l'Afrique du nord et l'Asie jusqu'en Chine et au Japon. Il est très commun en France dans les jardins, vergers abandonnés, lisières de forêt et bords des rivières.
La chenille se développe sur les feuilles d'ortie, ainsi que sur les noisetiers, les ormes et le houblon. Elle a une tache blanche à l'arrière, qui la fait ressembler à une fiente d'oiseau, afin de se protéger des prédateurs.
Chenilles de gamma (la tache blanche n'est pas visible sur cette photo)
En ce qui concerne les papillons de nuit, on trouve les chenilles de certains d'entre eux sur l'ortie, comme celles du superbe écaille rouge (Panaxia (Callimorpha) dominula ), de la somptueuse écaille martre (Artica caja), de l'écaille lièvre (Spilosoma menthastri ) à la magnifique robe d'hermine ou encore de la plus modeste pyrale de l'ortie (Eurrhypara hortutata ou urticae ).
Ecaille rouge (envergure environ 5 cm)
Ecaille martre (envergure 6 à 7 cm)
Il y a une curiosité au sujet de l'écaille martre : les poils de ses pates postérieures sont urticants, comme les feuilles dont se nourrit sa chenille velue.
Pyrale de l'ortie
Les chenilles de ces papillons ne craignent pas de vivre dangereusement en se nourrissant de feuilles hérissées de poils urticants. En Nouvelle-Zélande, on rencontre même la chenille du vulcain sur les feuilles de l'Urtica ferox, dont les poils venimeux de 1/2 cm de long peuvent tuer un chien ou un cheval !
En fait, les chenilles sont pourvues de bonnes dents qui cisaillent les poils urticants à leur base, leur évitant ainsi une injection sans doute mortelle.
Mais les chenilles ne sont pas masochistes, et on s'aperçoit qu'elles dévorent de préférence les feuilles d'ortie qui poussent en forêt. La raison en est simple : là, personne ne les fauche et elles ont très peu de poils urticants pour se défendre. Du reste, la petite ortie, plus urticante, est moins appréciée par les insectes.
Ortie de sous-bois rongée par les insectes
En détruisant les orties, on se prive d'une plante médicinale et alimentaire de grande valeur. Mais on prive aussi certains de nos plus beaux papillons de leur site de ponte, et de l'aliment qui doit assurer le développement de leurs chenilles. Les papillons participent à notre émerveillement devant les beautés de la nature. En arrachant les orties ou en répandant des desherbants sur leurs massifs, on provoque la disparition irrémédiable de ces êtres éphémères qui ont bercé de joie notre âme d'enfant.
Nous ne voudrions tout de même pas transformer notre environnement en désert !
En réalité, ne sommes-nous pas tous des chenilles bardées de piquants, amenées à se métamorphoser un jour en de gracieux papillons ?