Description
Le Neem (Azadirichta indica, littéralement « arbre libre ») est un bel arbre à feuilles persistantes d'une vingtaine de mètres de haut, souvent confondu avec le margousier ou lilas des Indes (Melia azedarach). Originaire de l'Inde, il a été implanté depuis un siècle dans tous les pays subtropicaux, à commencer par ceux d'Afrique noire. Il est souvent planté dans les cours des maisons, les parcs et jardins, au bord des routes et près des puits, pour procurer de l'ombrage aux femmes qui viennent puiser de l'eau. Le neem supporte la sécheresse et les fortes chaleurs - mais pas le gel - s'accommodant de tout type de sol. Il préfère cependant les sols sablonneux bien drainés. C'est un arbre à croissance rapide, qui peut atteindre 200 ans.
Vieux neems sur le site archéologique de Hampi, Karnataka (Inde)
Son feuillage amer, très riche en provitamine A, possède de nombreuses propriétés médicinales et chasse les moustiques. Le Mahatma Gandhi en prenait tous les matins sous forme de chutney ou de tisane, afin de fortifier sa santé.
Route bordée de neems à Badami, Karnataka
Les fleurs, à l'odeur suave, fleurissent au début du printemps et ne sont pas toxiques pour les abeilles qui les butinent.
Neem en fleurs
Photo J.M. Garg Wikimedia Commons
Les rameaux de neem, aux propriétés bactéricides, fortifient les gencives et servent de brosse à dent (datun). Ils sont vendus dans la rue par des jeunes, dont c'est souvent le seul revenu.
Photo Meena Kadri, licence Creative Commons (Flickr.com)
Perroquet à crête jaune dans un Neem à Trinidad et Tobago
Photo de Peter Hanoomansingh©, avec son aimable autorisation
Ses fruits, ressemblant à des olives, attirent les perroquets et autres oiseaux durant la mousson.
Photo Kishore Bhargava Licence Creative Commons (Flickr.com)
De leurs graines, on tire une huile à l'odeur désagréable, qui s'avère être un excellent répulsif contre plus de 200
insectes (termites, sauterelles, pucerons, chenilles, doryphores, larves de cafards...). De très nombreuses études scientifiques ont du reste été menées ces dernières années sur les usages de
l'huile de neem contre les ravageurs des cultures. C'est de loin l'application du neem la plus répandue dans le monde. Pourtant, malgré ses services inestimables pour l'humanité, l'huile de neem
est interdite en France...
Ci-dessus, huile de neem et feuilles de neem
Malheureusement, l'huile de neem - dont le prix a été multiplié par 20 en 20 ans du fait de la demande étrangère - est devenue inabordable pour les petits paysans indiens qui en faisaient l'utilisation. Précisons que cette huile fermente rapidement et ne se garde qu'un an au frais.
Une belle panoplie de propriétés
Cité dans les principaux textes sacrés de l'Inde (Ramayana, Mahabharata, Puranas), le neem est considéré par la médecine ayurvédique comme l'une des plantes majeures de sa pharmacopée. La liste de ses propriétés médicinales est du reste impressionnante, avec des vertus détoxicantes, immuno-stimulantes, anti-inflammatoires, fébrifuges, bactéricides, fongicides, anti-virales, anti-diabétiques, vulnéraires, vermifuges, anti-paludéennes et contraceptives.
Toutes ces vertus expliquent que le neem soit considéré en Inde comme une véritable panacée, vu les innombrables services qu'il rend.
De plus, d'après des études récentes, « les extraits des
feuilles de neem seraient un excellent agent immunomodulateur et réduiraient la croissance des tumeurs (Haque et al., 2006), notamment celles de la prostate (Kumar et al.,
2006). Ils sont actifs comme agent antipaludique non seulement contre les souches qui sont susceptibles à la chloroquine mais aussi contre celles qui y sont résistantes. Ils réduiraient aussi la
transmission du paludisme (Udeninya et al., 2006) ». (Pr. Ameenah Gurib-Fakim – Toutes les plantes qui soignent - éd. Michel Lafon, 2008).
Cependant, en usage interne, le neem ne convient pas aux enfants, aux femmes enceintes, aux personnes faibles, amaigries ou qui souffrent d'un excès de vata (ballonnements). C'est une plante plutôt froide et desséchante adaptée aux climats chauds et humides.
Le neem se révèle très efficace dans la prévention - et dans une moindre mesure dans le traitement - des maladies sexuellement transmissibles. Non seulement c'est un spermicide efficace (huile de neem), mais il permet de lutter à peu près contre toutes les MST : gonorrhée, syphilis, chlamydia, herpès génital, candidoses, cystites...et même le sida.
L'une des principales applications du neem reste malgré tout les maladies et parasites de la peau, qu'il soigne efficacement : acné, eczéma, psoriasis, gale, teigne, poux et même la lèpre. D'ailleurs, aujourd'hui, le neem rentre dans la composition de dentifrices, savons, et d'un grand nombre de produits cosmétiques, pour entretenir les cheveux en particulier.
Dentifrice, savon, masque pour le visage, poudre de feuilles et huile pour cheveux au neem
Biopiraterie et relations nord/sud
Certains états se comportent en prédateurs, méprisant le savoir traditionnel empirique acquis au fil des générations et croient pouvoir déposséder un autre pays de son patrimoine en brevetant le vivant, au mépris de toutes les règles internationales.
Pour planter le décor, l'Inde a isolé en 1970 l'azadirachtine, l'un des principes actifs du neem, aux propriétés fortement insecticides. Cette molécule complexe n'a toujours pas été synthétisée, mais elle a cependant suscité la convoitise de grandes compagnies américaines, japonaises et européennes. Celles-ci ont déposés des brevets - surtout à partir de 1990 - en particulier sur un procédé d'extraction et de stabilisation de l'huile de neem. La levée de boucliers a été impressionnante en Inde, où le neem est l'un des 3 arbres sacrés. (Il existerait au moins 14 millions d'arbres Neem à travers le pays). Jusqu'à 500 000 personnes manifestèrent à Bangalore, en brandissant des rameaux de neem. Comme l'écrit Vandana Shiva : « L'arbre de village Neem est devenu un symbole du savoir indigène et de la résistance contre les compagnies, qui veulent exproprier cette connaissance à leur propre profit » (Third World Network).
W.R.Grace, l'entreprise américaine incriminée, soutenue par le Département Américain de l'Agriculture, ne reconnait pas le savoir traditionnel indien et voulait imposer toute une batterie de tests de sécurité sur le Margosan-O, sa « découverte ». Au contraire, la jurisprudence indienne ne jugeait pas nécessaire de déposer des brevets sur un savoir faisant partie intégrante de la culture du pays. L'Inde faisait valoir l'ancienneté de cette connaissance ancestrale et l'innocuité du produit.
Finalement, il a fallu 10 ans de bataille juridique à Vandana Shiva, leader du mouvement écologiste indien, associée à la fédération internationale d'agriculture biologique (IFOAM) ainsi qu'aux députés verts européens pour faire annuler le principal brevet.
Il faut dire que les États-Unis sont le seul pays à n'avoir pas ratifié la Convention pour la Diversité Biologique (CDB) signée par 175 pays. Cette convention, entrée en vigueur fin 1993, défend la souveraineté des états sur leurs ressources génétiques. Elle établit la notion de partage équitable, avec consentement mutuel des parties impliquées. Une compensation est prévue en échange du savoir transmis à l'étranger. L'attitude des États-Unis à cet égard s'apparente à un pillage du Tiers-Monde, digne de leur esprit impérialiste, sans faire preuve d'aucun dogmatisme en la matière.
Guy Kastler, chargé de mission à Nature et Progrès, observe – comme Jean-Marie Pelt – qu'une plante est un ensemble complexe (une centaine de molécules identifiées en ce qui concerne le Neem). Celles-ci s'équilibrent mutuellement, empêchant les insectes de pouvoir développer une résistance, contrairement aux substances chimiques de synthèse toxiques, souvent cancérigènes, voire tératogènes et rémanentes dans l'environnement. On comprend mieux l'avidité de ces compagnies, qui pensaient sans doute pouvoir s'approprier une connaissance à bon compte.
Mais le fond du problème n'est pas réglé. L'agrément des nouveaux produits phytopharmaceutiques est soumise à l'évaluation partiale des laboratoires. On a vu le résultat récemment avec les graves effets secondaires de certains médicaments. Ces produits dangereux sont malgré tout autorisés avec une AMM, sans que les effets à long terme soient analysés.
Au contraire, on veut imposer aux préparations naturelles de plantes, fruits d'un savoir-faire ancestral, les mêmes contraintes, sans possibilité d'amortir le coût des ces tests, ces préparations naturelles n'étant pas protégées par un brevet. Le jeu est donc faussé. Cette situation aboutira inévitablement à la disparition des ces savoirs traditionnels, remplacés par des technologies dangereuses dûment protégées par un brevet protégeant le monopole de leur inventeur (d'après Guy Kastler).
Certains se demandent si l'interdiction actuelle du purin d'ortie et de l'huile de neem ne constitueraient pas des mesures de rétorsion vis à vis de l'agriculture biologique, qui a osé s'opposer à une grande compagnie pour faire annuler son brevet en Inde.
Le lilas des Indes, cousin malveillant
Le neem (Azadirachta indica) est parfois désigné sous le nom latin de Melia azadirachta. Ce nom malvenu prête à confusion avec le lilas des Indes (Melia azedarach), qui a la même apparence, mais dont toutes les parties sont toxiques. Le neem n'a jamais tué personne, et les quelques décès d'enfant ou de chiens recensés concernent le lilas des Indes. Même des botanistes ou des médecins font parfois la confusion, tant les noms botaniques se ressemblent. Le lilas des Indes a été introduit il y a quelques dizaines d'années dans le sud des États-Unis, et désormais, il est devenu une espèce envahissante en Floride, menaçant la sécurité des jeunes enfants et des animaux familiers.
Cependant, il est possible de les différencier à tous les stades de la végétation :
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Contrairement aux feuilles de neem qui sont amères, celles du lilas des Indes sont insipides,
- Les jeunes feuilles de neem sont souvent rouges, ce qui n'est pas le cas de celles du lilas des Indes,
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Les fleurs et les fruits sont également différents, ce qui évite à priori la confusion pour des personnes
averties.
D'où la nécessité de s'approvisionner auprès de fournisseurs compétents pouvant garantir l'origine de la plante.
Pas de doute. C'est bien du neem !
Photo de Pranav Yaddanapudi, Licence Creative Commons (Flickr.com)
Arbre neem dans un village du Niger
Photo Acei Cheung, Licence Creative Commons (Flickr.com)
Au Niger, justement, où le neem a été introduit par les missionnaires dans les années 1920, le neem est devenu un arbre très populaire. Malheureusement, depuis 20 ans, cet arbre est atteint par une mystérieuse maladie qui le fait mourir. C'était le dernier rempart contre l'avancée du désert.
Ce blog est exclusivement consacré à l'ortie. Si nous avons pour la première fois fait une exception pour le neem, c'est que le sort de ces 2 plantes est étroitement lié, comme on peut le constater dans l'article : Action de désobéissance civique à la mairie de Montreuil